Selon les spécialistes, 80% de ces décès pourraient être évités grâce à des sages-femmes qui manquent cruellement dans les salles de maternité à travers le continent.
Le Dr Bara Ndiaye décrit à franceinfo Afrique une véritable hécatombe. Basé à Dakar, il dirige le bureau Afrique de l’Ouest de l’Amref, une ONG de santé publique, très engagée dans la formation des sages-femmes sur le continent. L’Afrique connaît aujourd’hui l’un des taux de natalité les plus élevés dans le monde. Malheureusement, ces naissances, qui sont censées être des moments de bonheur, se transforment souvent en “tragédies humaines”. Des milliers de mères et leurs bébés périssent chaque année, faute de soins.
“Quand on espère avoir une naissance et qu’au moment de l’accouchement on perd, soit l’enfant, soit la mère, c’est toujours un drame. Tant que nous n’aurons pas assez de sages-femmes dans nos salles de maternité, le problème va continuer”, prévient le Dr Ndiaye.
Ces dernières années, l’ONG Amref a mené une vaste campagne qui a abouti à la formation de plusieurs milliers de sages-femmes dans dix pays africains. Dans plusieurs régions du continent, le taux de mortalité maternelle a sensiblement baissé, mais les besoins restent immenses, explique le Dr Ndiaye. Aujourd’hui en Afrique, une femme sur deux accouche seule chez elle, sans aucune assistance médicale qualifiée.
Il y a beaucoup d’accouchements à domicile. Dans certaines régions, ils peuvent atteindre 50%. Ce sont des risques énormesDr Bara Ndiaye, directeur des programmes Amref-Afrique de l’Ouestà franceinfo Afrique
Le docteur Ndiaye explique que si le taux de mortalité maternelle en Afrique atteint de tels sommets – jusqu’à 200 000 décès par an –, c’est aussi parce que de nombreuses jeunes adolescentes sont concernées. Des jeunes filles sans aucune maturité physiologique. “Souvent ce sont des grossesses non désirées qui se déroulent en cachette. La jeune fille ou l’adolescente évite de fréquenter les structures de santé. Elles cachent leurs grossesses le plus longtemps possible”. Ce qui se termine malheureusement par des drames, déplore-t-il.
Le docteur Bara Ndiaye côtoie au quotidien des sages-femmes totalement débordées. Au Sénégal, où il est basé, comme dans la plupart des pays africains au sud du Sahara, elles ne sont pas assez nombreuses et la charge du travail est énorme, témoigne-t-il. Pour lui, ce sont de véritables héroïnes du quotidien. “Ce sont elles qui sont témoins, qui accompagnent la femme pendant la grossesse et pendant l’accouchement. Rien que pour ce principe de sécurité de la mère et du nouveau-né, elles méritent d’être considérées comme les héroïnes du quotidien en Afrique.”
Pour lutter contre la mortalité maternelle, il faut donc donner la priorité à la formation des sages-femmes et renforcer leur présence dans les postes de santé éloignés, plaide le docteur Ndiaye. Des efforts de formation qui doivent être accompagnés d’une vaste campagne de sensibilisation des femmes pour qu’elles comprennent l’importance d’aller en consultation dans les structures adaptées durant la période de la grossesse, insiste-t-il.
On peut se passer des accoucheuses traditionnelles et éliminer les accouchements à domicile. A condition de procéder à une conscientisation des femmes enceintes et de leur mariDr Bara Ndiaye, directeur des programmes Amref-Afrique de l’Ouestà franceinfo Afrique
En 2015, l’ONG Amref avait fait campagne en faveur de l’attribution du prix Nobel de la paix à une sage-femme africaine. La campagne n’avait pas abouti, mais l’organisation ne baisse pas les bras pour autant. “En Afrique, la grossesse est souvent perçue comme un problème. Pour nous, le fait d’apaiser la mère et le nouveau-né constitue la première dimension de la paix”, plaide le docteur Ndiaye. C’est à ce titre que nous avions estimé qu’il était important qu’on reconnaisse au plus haut niveau, la valeur de la sage-femme. Et nous n’hésiterions pas à recommencer, explique-t-il à franceinfo Afrique.
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